La trajectoire, du surfer en équilibre, est un vecteur qui peut être modifié en vitesse et en direction. La manœuvrabilité est la faculté de modifier ce vecteur trajectoire, par déséquilibre et retour à l'équilibre:
- variation de vitesse (Accélération/Freinage)
- variation de direction (Rayon de courbe).
En surf, 2 types de mouvements du surfer, qui modifient l’équilibre des forces de portance, produisent ces modifications de trajectoire:
- Déplacements avant arrière du centre de gravité= variation vitesse.
- Accélérer = se pencher vers l’avant : Lorsqu' un coureur désire accélérer, le buste et les épaules s’avancent et déplacent le centre de gravité vers l’avant, ce mouvement est instinctif et fortement ancré en nous comme la volonté d’accélérer
- Freiner= se pencher vers l’arrière : inversement lorsque ce coureur décide de s’arrêter il recul ses épaules pour anticiper l’augmentation d’appuis sous ses pieds, qui doivent rester en avant de son centre de gravité pour éviter le basculement.
- Rester à la même vitesse = maintenir le centre de gravité entre les deux pieds.
- Déplacement latéral du centre de gravité=variation direction.
- Changer de direction= Le centre de gravité est naturellement positionné vers l’intérieur du virage pour compenser la force centrifuge. Il est surprenant de voir comme notre esprit est apte au vol, il suffit de regarder un enfant courir en imitant un avion, il penche ses bras en ailes vers l’intérieur du virage comme pour prendre appui sur l’air, comme le fait l’oiseau, l’avion ou le dauphin avec ses pectorales dans un virage serré.
Ces règles qui jouent avec l’équilibre sont d’une logique naturelle pour notre corps.
Une planche "intuitive", correspond techniquement à la facilité de tourner dans les 3 axes Tangage Roulis et Lacet (Yaw/Pitch/Roll) suivant nos mouvements naturels.
Tangage Roulis et Lacet (Yaw/Pitch/Roll)
- Le tangage/Pitch génère de l’accélération ou du freinage en modifiant l'angle de planing suivant la position du surfeur. La répartition de la surface de l’outline sur le nose ou le tail, la présence ou non d’une zone plate de rocker, impactent fortement cette manœuvre.
- La rotation de Roulis/Roll produit le virage, en projetant latéralement une composante de la portance de planing (comme l'avion mimé par l'enfant ) , et immerge le rail en imprimant la courbe du rocker dans la vague. La forme de l’outline détermine l’immersion du rail et la répartition des forces dynamique autour du centre de gravité du surfeur. La manœuvrabilité augmente avec la facilité à varier l’angle de roulis.
- Le Lacet/yaw ne modifie pas la trajectoire, mais uniquement l'angle entre l'axe de planche et la direction de la trajectoire. C'est l'angle de dérapage de la planche, il est possible de faire un 360 degré en lacet sans changer la trajectoire.
Pour comprendre le caractère de manœuvrabilité d’une planche nous devons distinguer le levier de manœuvre, et la manœuvre elle-même :
Lorsque nous actionnons le volant d'une voiture, elle change de trajectoire avec plus ou moins d’efficacité. La force que vous appliquez pour faire tourner le volant n’est pas directement celle qui modifie la trajectoire de la voiture, si la colonne de direction est cassée vous aurez un levier de manœuvre (volant) très facile à actionner, mais une modification de trajectoire nulle !
Rappel: En mécanique, un effort de levier relié à un axe, c’est un « moment », on l’exprime en newton x mètres. 1 N.m c’est une force de 1 newton appliqué perpendiculairement sur un levier de 1 mètre lié à l’axe. Lorsque nos orteils immergent le rail, nous appliquons un moment de roulis égal à : (force d’appuis de nos orteils) x (distance de l’axe de roulis). Si aucune force opposée ne vient équilibrer l’effort, nous basculons et perdons le contrôle. Heureusement, lorsque nous appliquons un moment avec nos orteils, un moment inverse est produit par les forces hydrodynamiques et hydrostatiques et stabilise la manœuvre de roulis. Un moment et son moment opposé définissent l’équilibre nommé couple. L’accélération de rotation est nulle lorsque les moments sont équilibrés dans un couple.
Lorsque je tourne légèrement mon volant, j’applique un moment qui l’entraine en rotation, mais je ressens un moment inverse à la force que j’applique, sinon il se mettrait à tourner de plus en plus vite sans aucun effort supplémentaire et je devrais inverser rapidement mon effort pour ne pas partir dans le décor. Les voitures modernes sont équipées d’une direction assistée qui pourrait supprimer totalement tout effort sur le volant. Mais le constructeur laisse une force résistante, pour que le conducteur puisse doser intuitivement la rotation, et lorsque l’on relâche le volant il vient se remettre en position droite, c’est de l’ergonomie intuitive. Cette résistance du système au changement d’état procure de la stabilité, si l’action génère un changement d’état qui s’auto-amplifie le système devient incontrôlable et instable. Cette vision "systémique" nous renseigne sur le caractère et les limites fonctionnelles du système planche-surfeur-vague.
En surf le volant c’est le déplacement latéral du centre d'appui, et la pédale d’accélérateur c’est le déplacement longitudinal de ce même centre d'appui. Une planche large peut autoriser un fort déplacement latéral sans entrainer beaucoup de roulis, par exemple, ou tanguer plus ou moins sensiblement en fonction du déplacement avant arrière du surfer. L’efficacité finale résulte des variations en roulis et tangage.
Lorsque nous désirons virer en déplaçant notre centre de gravité latéralement, nous apprécions que la planche résiste un peu (mais pas trop) sous notre orteil afin de pouvoir doser la manœuvre, et lorsque nous relâchons cette pression nous apprécions que la planche revienne à son angle de roulis initial sans avoir à jouer trop du talon. Pour réaliser cette intuitivité de contrôle ergonomique, sans perdre l'équilibre, la planche doit être « auto stable ».
Déséquilibre et retour à l'équilibre:
Si Je suis en équilibre au point G0, c'est que mon point d'appui au centre de portance. Si je déplace mon appui de G0 à G3, je dois ressentir une "contre force", générée par la portance, qui augmente et limite la mise en rotation de roulis, sinon c’est la bascule instable et la chute. Même chose si je me déplace de G0 en G2, je génère un moment de tangage qui doit être contre balancé par un moment inverse généré par la portance. Plus le moment de résistance est fort, plus ma planche est stable. Si le "contre moment" hydrodynamique devient inférieur au moment généré par l’appuis de mon centre de gravité, les forces ne ramènent plus l'équilibre, ma planche devient instable. Voyons donc en détail la stabilité du levier de roulis et de tangage de notre planche.
Les trois axes de lacet, tangage et roulis (yaw, pitch, roll) se croisent au point d’application du centre de gravité du surfeur que nous nommons le centre d’appui.
Pour exemple, nous avons découpé une planche en 3 tranches parallèles au flux relatif, 3 éléments facilitant les calculs. Nous pouvons estimer la position longitudinale, et latérale du point d’équilibre en fonction des portances de ces éléments, en isolant la planche suivant les axes de roulis et tangage :
- Vue axe tangage :
Positions d'équilibre des moments de tangage résultants des portances élémentaires
- Vue axe roulis:
Positions d'équilibre des moments de roulis résultants des portances élémentaires
Nous pouvons écrire la condition d’équilibre dans les plans Roulis, et tangage :
C1 + C2 + C3 = 0 Avec couple : C (N.m) = d(m) x P(N)
Cette relation défini la position du point d’équilibre. Le centre d’appui du surfeur est le levier pilotant le roulis et le tangage. Si le point d'appui se déplace, l'équilibre est rompu et l'angle va changer, ceci modifie les forces de portances en fonction de la forme de planche et de la vitesse, et recréer un équilibre à un autre angle, ou pas. Nous pouvons évaluer le caractère d'une planche en fonction de la relation angle<=>déplacement: plus le déplacement par degré de variation est grand plus la planche est stable sur cet axe. Nous pouvons ainsi évaluer l'amplitude de déplacement possible, en latéral et longitudinal, pour un surfer de poids donné sur une planche donnée.
Pour évaluer la manœuvrabilité d'une planche dans une situation donnée, nous devons donc montrer:
- comment la variation de position latérale du surfer fait varier le roulis, mais aussi comment ceci impacte la variation de direction. la relation entre le roulis et la courbure de trajectoire résulte des projection de portance, elle est étudiée en détail dans le chapitre Virage surf.
- comment la variation de position longitudinale du surfer fait varier l'incidence, mais aussi comment ceci impacte la variation de vitesse. La relation entre le tangage et l'accélération c'est la relation incidence et traînée hydrodynamique , elle est étudiée en détail dans le chapitre traînée hydrodynamique surf.
En dessinant une carte des positions sur une planche donnée, à vitesse, poids surfeur et pente de vague donnés, et en affichant, suivant un code couleur, les angles de roulis, les rayons de courbe trajectoire et les forces de traînées, qui définissent la capacité a changer de vitesse et les angles d'incidences qui sont la cause de ces phénomènes hydrodynamiques, nous obtenons un "HydroScan" argumentant objectivement la manœuvrabilité d'une planche, nue sans ailerons.( Nous explorerons l'impact des ailerons séparément dans le chapitre traitant de la dynamique des ailerons).
HydroScan de manœuvrabilité courbe trajectoire, d'un shortboard logiciel ShaperWaveDynamics:
Nous voyons ci dessus, les positions d'équilibres possibles (en dehors de ces positions il y a enfournement, pertes équilibre ou perte de portance) de la même planche à 3 vitesses différentes . Il est facile de constater que la manœuvrabilité en terme de virage est plus facile a basse vitesse (première image sur la gauche) car on peu atteindre un rayon de trajectoire très serré de 1.4 m (très radical!) en déplaçant très peu l'appui latéral, et avec un roulis de 47 degrés environ, mais attention la largeur de la zone de stabilité"Roll stab width" (surface colorée) est très étroite(98mm), ceci signifie que la planche est vraiment instable a cette vitesse. Si on regarde l'image de droite, à plus grande vitesse on constate que l'on gagne en largeur de zone stable(292mm) ,et que l'on pourra atteindre un fort angle de roulis (77 degrés) produisant un rayon de 1.6m.
La relation stabilité et manœuvrabilité en fonction de la vitesse devient évidente sous cette présentation , le surfeur connait l'instabilité a basse vitesse, et la difficulté a virer lorsque la vitesse augmente impliquant des appuis de carves et des angles de roulis engagés.
Ce qui est particulièrement intéressant à noter pour le surfer et le shaper , c'est la largeur de la zone stable que l'on comparera avec une autre planche pour savoir si on gagne ou perd en stabilité d'un projet a un autre.
Prenons maintenant, le même surfeur, dans les mêmes conditions de vitesses mais sur un longboard :
HydroScan d'un longboard réalisé avec le logiciel ShaperWaveDynamics:
la largeur de la zone stable est plus importante, et montre le gain de stabilité, mais nous constatons aussi le rayon de courbe à grande vitesse qui devient plus grand
Nous pouvons aussi comparer les variations d'angles de planing et les variations de forces de traînées correspondantes sur ces deux planches au travers les Hydroscans suivants...
performances angles attaque short board
Performances angles planing longboard
En observant les HydroScans des angles de planing, nous remarquons la longueur de zone stable en tangage(pitch stab length) qui passe de 720 mm pour le shortboard a 33 km/h , à 1400mm pour le longboard à 33 km/h. il faudra donc très peu de déplacement sur le shortboard pour faire varier l'incidence, et donc la variation de vitesse de la planche, alors que l'on peu davantage se promener sur le longboard sans trop modifier la vitesse...
performances de forces traînées surf shortboard
performance de traînées sur un longboard
Si l'on désire approfondir notre maitrise de l'hydrodynamique du surf, il est important de séparer la traînée de frictions et la traînée de planing (forme), nous pouvons ainsi constater que le longboard génère peu de traînée de forme a basse vitesse car il n'a pas besoin de beaucoup d'incidence pour porter le surfer, il génère donc une traînée globale moins importante que le shortboard a basses vitesses, mais lorsque la vitesse augmente la traînée de friction augmente davantage sur le longboard, et l'on retrouve la position de traînée minimale du longboard plus en arrière a haute vitesse qu'a basse vitesse pour limiter la surface de friction en cherchant de l'angle de planing...
Avec ce type d'hydroscan, le surfer et le shaper sont en capacité argumenter objectivement les avantages et faiblesses des divers modèles de planche de surf qu'ils désirent étudier. Le shaper et le surfeur peuvent éditer ces comparatifs pour divers poids de surfers, taille de planche... afin de choisir et sélectionner le projet de planche le mieux adapté a leur vision du surf.
"Hydroscans" comparants les performances de manœuvrabilité d'un short board et d'un longboard réalisés avec le logiciel ShaperWaveDynamics